

Les marchés publics informatiques sont souvent complexes, notamment lorsque des droits d’exclusivité sont invoqués. Vous pensez pouvoir passer un marché sans publicité ni mise en concurrence en vous appuyant sur ces droits ? Attention, depuis l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) du 9 janvier 2025, vos certitudes pourraient être remises en question.
Plongeons dans les bases, les évolutions et les implications de cette nouvelle décision.
✅ Avant 2025 : les conditions antérieures de recours aux droits d’exclusivité
Conformément à l’article R2122-3 du Code de la commande publique, un marché peut être attribué sans publicité ni mise en concurrence si :
- Il existe des raisons techniques, artistiques ou tenant à des droits d’exclusivité.
- Ces raisons rendent absolument nécessaire l’attribution du marché à un opérateur déterminé.
En particulier, dans les cas où un prestataire initial dispose de droits de propriété intellectuelle, l’intervention d’un tiers pourrait violer ces droits, justifiant ainsi une procédure dérogatoire. Cette logique repose sur la nécessité de protéger ces droits sans pour autant contrevenir aux principes fondamentaux de la commande publique.
Cependant, cette justification était suffisante avant la décision de la CJUE en 2025.
💡Depuis 2025 : ce que change l’arrêt de la CJUE
L’arrêt du 9 janvier 2025 introduit une nouvelle condition essentielle :
La situation d’exclusivité invoquée pour justifier une procédure dérogatoire ne doit pas être imputable à la personne publique.
Imputabilité : une notion clé
La CJUE précise que la personne publique doit tout mettre en œuvre pour éviter de créer ou de maintenir une situation d’exclusivité. Cela inclut :
- Anticiper, lors du marché initial, les besoins futurs (ex. : prévoir la cession des droits de propriété intellectuelle).
- Évaluer les solutions ouvertes ou les alternatives raisonnables sur le marché.
- Prévoir la possibilité d’intervention d’autres prestataires dans les contrats.
En d’autres termes, si la personne publique est responsable de l’enfermement contractuel ou technologique, elle ne peut pas invoquer les droits d’exclusivité pour éviter la mise en concurrence.
⚖️ Conditions pour invoquer les droits d’exclusivité
Pour justifier un recours à une procédure sans publicité ni mise en concurrence, trois conditions doivent désormais être remplies :
- Raison valable : Prouver qu’il existe des raisons techniques, artistiques ou de droits d’exclusivité liées à l’objet du marché.
- Nécessité absolue : Démontrer que ces raisons rendent l’attribution à un opérateur spécifique indispensable.
- Absence d’imputabilité : Confirmer que la situation d’exclusivité n’a pas été créée ou maintenue par la personne publique.
👉 Comment évaluer l’imputabilité ?
La CJUE invite les pouvoirs adjudicateurs à examiner :
- Les circonstances entourant le premier contrat et les choix effectués.
- Les moyens économiques et le temps disponible pour mettre fin à la situation d’exclusivité.
Par exemple :
Si plus de 20 ans se sont écoulés depuis le marché initial et que des alternatives étaient envisageables, le recours à l’exclusivité n’est pas justifié.
Si plusieurs prestataires pouvaient répondre initialement, mais que le cahier des charges favorisait une solution fermée, l’imputabilité est retenue.
🔎 Implications pour les acheteurs publics
Des justifications plus strictes
Les acheteurs doivent désormais démontrer une rigueur accrue dans leurs décisions :
- Anticiper dès l’origine : Prévoir des clauses facilitant l’intervention d’autres opérateurs.
- Favoriser l’ouverture : Choisir des solutions interopérables ou avec cession des droits.
Des risques accrus
Une mauvaise justification peut conduire à des recours juridiques ou à l’annulation du marché. Les acheteurs publics doivent donc analyser soigneusement les circonstances et prendre des mesures correctives si nécessaire.
➡️ Comment prévenir ces situations à l’avenir ?
Pour éviter de futures restrictions liées à des droits d’exclusivité :
- Optez pour des solutions ouvertes : Les technologies interopérables réduisent les dépendances.
- Négociez les droits : Prévoir la cession ou la transmission des droits de propriété intellectuelle dans les contrats.
- Diversifiez les prestataires : Limitez les risques d’enfermement en sollicitant plusieurs opérateurs.
Ces bonnes pratiques renforcent la transparence et garantissent une gestion plus efficace des systèmes d’information publics.
un nouvel équilibre à trouver
L’arrêt de la CJUE du 9 janvier 2025 impose aux pouvoirs adjudicateurs une réflexion stratégique approfondie. S’il vise à encourager une plus grande ouverture à la concurrence, il alourdit également les obligations des acheteurs publics.
La question à se poser désormais est la suivante : votre situation d’exclusivité est-elle réellement justifiée ou aurait-elle pu être évitée ?
Pour les marchés futurs, une chose est certaine : la prévention passe par une meilleure anticipation et une rédaction soignée des contrats. L’objectif ? Garantir l’efficacité de la commande publique tout en respectant ses principes fondamentaux : transparence, égalité et libre concurrence.
➡️Pour aller plus loin !
Retrouvez l’arrêt intégral de la CJUE du 9 Janvier 2025
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