Dans un arrêt du 18 juillet 2024 (Association Nayma), le Conseil d’État a précisé la gestion des contradictions entre les documents de consultation dans les marchés publics. La haute juridiction a jugé qu’une incohérence manifeste entre l’avis d’appel public à la concurrence et le règlement de la consultation (RC) ne rend pas automatiquement irrégulière la procédure de passation. Le règlement de la consultation prévaut, et les candidats doivent, avec diligence, repérer et signaler les contradictions. Cette décision pose de nouvelles exigences pour les soumissionnaires tout en renforçant la responsabilité des acheteurs publics.


💡 Contexte de l’Affaire

Les faits à l’origine du litige

  • Une entreprise a vu son offre rejetée pour avoir candidaté à quatre lots, alors que le RC limitait cette possibilité à deux lots.
  • L’avis d’appel public à la concurrence (AAPC) mentionnait pourtant que les entreprises pouvaient postuler à tous les lots.
  • Cette incohérence a conduit l’entreprise à contester son éviction devant le Conseil d’État, arguant d’un manquement aux principes de publicité et de mise en concurrence.

L’analyse du Conseil d’État

  • Le RC prévaut sur les autres documents en cas de contradiction.
  • La contradiction était aisément repérable par un soumissionnaire raisonnablement diligent.
  • L’entreprise aurait dû interroger le pouvoir adjudicateur pour clarifier cette incohérence avant de déposer son offre.

⚖️ Décision du Conseil d’État

Principes clés de la décision

  1. Prééminence du RC : En cas de contradiction, les dispositions du RC l’emportent sur celles de l’AAPC ou d’autres documents.
  2. Responsabilité des soumissionnaires :
    • Les candidats doivent repérer et signaler les incohérences évidentes dans les documents.
    • À défaut, ils ne peuvent invoquer un manquement de l’acheteur pour contester la procédure.
  3. Pas d’irrégularité automatique : Une contradiction manifeste, si elle est facilement identifiable, ne suffit pas à annuler la procédure.

Implications pour l’entreprise requérante

L’entreprise n’a pas été jugée de bonne foi, car elle aurait pu clarifier l’ambiguïté auprès de l’acheteur public avant de déposer son offre. Son recours a donc été rejeté.


🔎 Portée de la Décision

Un infléchissement de la jurisprudence

  • La jurisprudence antérieure pouvait conduire à l’annulation d’une procédure en cas de divergence entre les documents de consultation.
  • Désormais, une contradiction aisément repérable ne constitue pas un motif automatique d’annulation, surtout si le candidat n’a pas pris l’initiative de clarifier la situation.

Encourager une démarche proactive

  • Cette décision vise à responsabiliser les opérateurs économiques dans leur participation aux marchés publics.
  • Elle rappelle que les soumissionnaires doivent lire attentivement tous les documents et signaler les incohérences sans attendre.

➡️ Réflexions sur la Diligence des Candidats et la Transparence des Acheteurs

Les obligations des candidats

  • Les soumissionnaires doivent :
    • Analyser en détail tous les documents de consultation.
    • Signaler les incohérences détectées auprès du pouvoir adjudicateur avant de soumettre leur offre.
    • Adopter une démarche proactive pour éviter tout rejet basé sur une interprétation erronée des exigences.

Les responsabilités des acheteurs publics

  • Les acheteurs publics doivent :
    • Veiller à la cohérence des documents de consultation pour éviter toute ambiguïté.
    • Répondre aux questions des soumissionnaires de manière claire et transparente pour lever les incertitudes.
    • Fournir un RC exhaustif et précis, qui prévaut sur les autres documents.

Équilibre entre diligence et transparence

  • La décision interroge sur la limite de la bonne foi des candidats :
    • Jusqu’où doivent-ils aller pour interpréter les documents de consultation ?
    • À quel point les acheteurs doivent-ils s’assurer de l’absence de contradictions dans les documents fournis ?

Recommandations Pratiques pour les Acheteurs et Soumissionnaires

Pour les acheteurs publics

  1. Anticiper les risques d’incohérence :
    • Harmoniser les informations entre l’AAPC, le RC et les autres documents.
    • Effectuer une relecture croisée des documents pour détecter les contradictions.
  2. Renforcer la communication :
    • Répondre rapidement et clairement aux questions des candidats.
    • Publier des additifs pour corriger les éventuelles incohérences détectées.

Pour les soumissionnaires

  1. Analyser attentivement les documents :
    • Identifier les incohérences potentielles.
    • Vérifier que les exigences du RC sont compatibles avec les autres documents.
  2. Demander des clarifications :
    • Interroger l’acheteur public dès qu’une ambiguïté est constatée.
    • Documenter les échanges pour appuyer d’éventuels recours en cas de litige.

Une Responsabilité Partagée dans les Marchés Publics

L’arrêt du Conseil d’État du 18 juillet 2024 clarifie le rôle central du règlement de la consultation dans les marchés publics. Si cette décision renforce la responsabilité des soumissionnaires dans la détection des incohérences, elle rappelle également aux acheteurs publics l’importance de fournir des documents clairs et cohérents. En favorisant un équilibre entre diligence des candidats et transparence des acheteurs, cette jurisprudence contribue à sécuriser les procédures de passation tout en réduisant les contentieux inutiles.


Source : Arrêt du Conseil d’État, Association Nayma, 18 juillet 2024.


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