Le 30 juillet 1953, le Congrès votait le texte fondateur de la politique américaine d’aide en faveur des TPE-PME : le « Small Business Act ». Rebaptisé Think Small First en Europe en 2011, il est devenu aujourd’hui un levier puissant pour remplir les carnets de commandes des TPE-PME. De plus en plus de collectivités l’adoptent pour faire grandir les petites et moyennes entreprises françaises ! Des textes de loi aux applications concrètes sur les commandes publiques en 2022 : on vous dit tout.
De la loi américaine pour préserver l’esprit de la libre concurrence…
Le législateur américain a vu dans l’entreprise de petite dimension l’incarnation des principes de liberté d’entreprise et de libre concurrence, inséparables de la conception américaine de l’économie de marché. Dans la section 202 du Small Business Act de 1953, le Congrès déclare que « le Gouvernement doit aider, conseiller et protéger dans toute la mesure du possible les intérêts de la petite entreprise, afin de préserver l’esprit de libre concurrence, d’assurer qu’une proportion équitable des marchés publics soit passée avec de petites entreprises, et de maintenir en la renforçant l’économie de la Nation dans son ensemble. »
…au Think Small First européen pour faciliter l’accès des PME aux marchés publics !
Le 12 mai 2011, le Parlement européen a soutenu largement les mesures du Small Business Act. Devenu Think Small First, son principe fondamental est de favoriser l’accès aux marchés publics des TPE-PME en Europe. Concrètement, il implique d’adapter les outils, d’assurer la réactivité des administrations publiques, et de mettre en place un environnement juridique et commercial favorisant la ponctualité des paiements lors des transactions commerciales.
Les Régions instaurent le Small Business Act en France
De plus en plus de collectivités, à l’image de la Région Île-de-France, choisissent d’instaurer un « Small Business Act » actif pour promouvoir les TPE/PME locales. Ces initiatives font suite, notamment, à la réforme du code des marchés publics de 2016. Objectif : faciliter l’accès à la commande publique en simplifiant les règles trop contraignantes pour les petites entreprises. Parmi les mesures les plus importantes :
- Des procédures simplifiées,
- Des délais de paiement réduits,
- L’octroi d’avances pour répondre aux problèmes de trésorerie.
Certaines collectivités souhaitent même aller encore plus loin en instaurant des quotas PME, mais ce dispositif se heurte au principe d’égalité d’accès à la commande publique ainsi qu’aux traités européens.
Comment intégrer en pratique le Small Business Act dans la commande publique ?
Au-delà de la commande dématérialisée pensée pour faciliter l’accès à la commande publique, les pratiques du Small Business Act offrent de nombreuses possibilités pour prioriser voire réserver certains marchés publics aux TPE et PME.
➡️Les marchés de « faibles montants » conclus de gré à gré
Selon l’article R.2122-8 et R2122-9 du code de la commande publique, l’acheteur public est autorisé à conclure un marché avec un prestataire, sans publicité ni mise en concurrence préalables, si la valeur estimée est inférieure à :
- 40.000 € HT pour les marchés de fournitures et de service, et 100.000 € HT pour les marchés de travaux ;
- 90.000 €HT pour les marchés de fourniture de livres non scolaires pour les besoins propres de l’acheteur ou pour l’enrichissement des collections des bibliothèques accueillant du public ;
- 100.000 €HT pour les marchés de travaux, fournitures ou services innovants.
Cependant, les acheteurs ont pour habitude de faire jouer la concurrence en sollicitant trois devis, ou plus, afin de sélectionner l’offre la plus avantageuse.
Cette pratique ne favorise pas vraiment l’accès des TPE à la commande publique puisqu’elle réinstitue une mise en concurrence là où il peut ne pas y en avoir.
Le Ministère de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales, a par ailleurs reprisé le principe des marchés de gré à gré.
Dans le JO Sénat du 4 février 2021 (p. 737), il précise que les démarches préalables à un marché passé sans publicité ni mise en concurrence dépendent de la nature des prestations, mais aussi du degré de connaissance de l’acheteur sur le secteur économique concerné.
- En effet, lorsque le marché porte sur des prestations simples et standardisées, ou si l’acheteur connait bien le produit ou le service qu’il recherche, l’achat direct auprès d’une entreprise peut être réalisé sans démarches préalables.
- Toutefois, si le besoin concerne des prestations complexes et techniques ou si l’acheteur ne dispose pas des connaissances utiles, il peut procéder à du sourçage avant de choisir une offre financièrement raisonnable et cohérente avec la nature de la prestation.
➡️La technique des petits lots
Pour utiliser la technique des petits lots, l’acheteur doit d’abord respecter les conditions suivantes : Lors du lancement de la procédure de mise en concurrence formalisée, il isole un ou plusieurs lots et programme la procédure adaptée si ces lots sont d’une valeur estimée inférieure à
- 80 000 €HT pour les fournitures et services,
- 1 000 000 €HT pour les travaux,
- De plus, le montant cumulé de ces lots ne doit pas excéder 20% de la valeur totale estimée de tous les lots.
Grande nouveauté apportée par le code de la commande publique : l’acheteur peut ensuite envisager de conclure ces lots selon les conditions d’une procédure de gré à gré s’ils sont inférieurs à :
- 40 000 €HT pour les fournitures et services,
- 100 000 €HT pour les travaux.
Il suffit que le montant total de ces lots n’excède pas 20% de la valeur totale estimée de tous les lots (article R. 2122-8 du CCP). Une belle opportunité pour associer les TPE aux projets de marchés publics d’envergure.
➡️La technique des petits lots réservés
Certains marchés ou certains lots d’un marché peuvent être réservés SOIT à des entreprises adaptées (EA) ou des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) ; SOIT à des structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE) ; SOIT à des entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS).
Depuis la loi ASAP, l’acheteur peut même réserver un marché public ou un lot, à la fois aux opérateurs du secteur protégé et à ceux de l’insertion par l’activité économique. |
Les structures concernées par les marchés publics réservés peuvent être des :
- entreprises adaptées mentionnées dans le code du travail ;
- établissements et services d’aide par le travail ;
- structures équivalentes qui emploient une proportion minimale de 50% de travailleurs handicapés qui sont dans l’incapacité d’exercer une profession dans des conditions normales ;
- structures d’insertion par l’activité économique et des structures équivalentes, lorsqu’elles emploient une proportion minimale de 50% de travailleurs défavorisés .
- entreprises de l’économie sociale et solidaire (définies par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire). Les marchés réservés aux ESS doivent exclusivement porter sur des services de santé, sociaux ou culturels et ne peuvent excéder une durée de 3 ans.
Combiné à la technique des petits lots, ces structures employant des publics éloignés de l’emploi pourront accéder plus aisément à la commande publique. Ainsi, la technique des petits lots permettra d’alléger les contraintes procédurales mais aussi d’échanger et de négocier avec les entreprises pour consolider les conditions d’exécution du marché.
➡️10% du montant des marchés globaux réservés aux PME et artisans
Dans un double objectif de relance économique et de soutien à l’emploi local, le décret n°2021-357 du 30 Mars 2021 (pris en application des mesures consacrées par la loi ASAP), a intégré dans le code de la commande publique un nouvel article R.2171-23 selon lequel « Si le titulaire d’un marché global n’est pas lui-même une PME ou un artisan, la part minimale qu’il s’engage à confier, directement ou indirectement, à des PME ou à des artisans, en application de l’article L.2171-8, est fixée à 10% du montant prévisionnel du marché, sauf lorsque la structure économique du secteur ne le permet pas» |
Encore une mesure inspirée du Small Business Act permettant aux petites entreprises d’accéder aux grosses opérations ou opérations complexes de travaux des marchés globaux qui dérogent à l’allotissement, tant sur la conception que la réalisation du projet. De plus, rien n’interdit les opérateurs économiques de proposer une part plus importante que ce seuil de 10% ou aux PME candidates de proposer un taux supérieur en réponse aux critères d’analyse des offres fixés par l’acheteur dans la consultation.
➡️La priorité à l’innovation par la candidature spontanée
Le démarchage commercial des acheteurs publics par les entreprises n’est pas interdit. Il est défini comme suit dans le guide des bonnes pratiques de la commande publique (Fiche Daj, septembre 2014- article 10.1.2) :
Une TPE peut accéder aux marchés publics en adressant une offre à un acheteur public en vue de lui proposer un projet répondant à un besoin qu’il n’aurait pas identifié. Si l’acheteur public souhaite donner suite à un tel projet, pour les procédures formalisées et adaptées, il doit organiser la mise en concurrence de toutes les entreprises potentiellement intéressées par sa mise en œuvre en offrant toutes les garanties d’impartialité de sélection.
Toutefois, l’acheteur public peut retenir la candidature spontanée d’une TPE sans mise en concurrence si son besoin est inférieur à :
- 40.000 euros HT pour les marchés de fournitures et de services,
- 100 000 euros HT pour les marchés de travaux.
C’est également le cas dans le cadre d’un achat innovant inférieur à 100 000 euros HT lorsque l’offre de l’entreprise s’appuie sur une technologie particulière qu’elle est la seule à détenir.
Ce dispositif expérimental de l’achat innovant sans publicité ni mise en concurrence inférieur à 100 000 euros HT, qui devait arriver à échéance le 31 décembre 2021, a finalement été institué définitivement au nouvel article R.2122-9-1 du Code de la commande publique par le décret n°2021-1634 du 13 décembre 2021.
Si ces candidatures spontanées sont nécessaires pour toute entreprise à la recherche de nouveaux clients, elles sont aussi l’occasion pour l’acheteur public d’être informé sur « des solutions innovantes d’entreprises » et de se saisir des offres que peut lui offrir le secteur économique correspondant.
➡️L’échange direct avec les TPE
Enfin, d’autres nouvelles pratiques d’échange Small Business Act sont initiées par les acheteurs publics :
- L’organisation de visioconférences pendant une consultation de mise en concurrence. Elles permettent aux TPE de poser directement leurs questions aux intervenants de l’administration publique.
- La mise en place de réunions d’informations trimestrielles ou annuelles avec des TPE. L’objet est de communiquer sur les futurs marchés que l’administration va lancer. Ces échanges fournisseurs permettent non seulement d’optimiser la commande publique en diminuant les marchés infructueux, mais aussi de donner de l’information sur les modalités des consultations et les outils utilisés par les administrations pour leur mise en concurrence.