Une promesse de simplification… en apparence

Annoncée en grande pompe comme la solution miracle pour alléger les contraintes administratives pesant sur les entreprises, la Loi de Simplification de la Vie Économique (SVE) a été présentée par le gouvernement en avril 2024. Son objectif affiché : réduire les formalités, accélérer les procédures et faciliter la vie des entrepreneurs.

Le texte, adopté par le Sénat le 22 octobre 2024, est actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. Les débats en séance publique ont débuté le 9 avril 2025 et devraient se poursuivre les 30 et 31 mai 2025.


Les principales mesures envisagées

Parmi les dispositions phares du projet de loi SVE :

  • Réforme des instances consultatives : suppression ou fusion de plusieurs commissions jugées redondantes.
  • Suppression de certaines formalités administratives : notamment la réduction du nombre de formulaires Cerfa et la simplification des démarches pour les entreprises.
  • Allègement des procédures d’autorisation : passage de certaines autorisations à des régimes de déclaration ou de silence vaut accord.
  • Simplification de l’accès à la commande publique : mesures visant à faciliter la participation des TPE-PME aux marchés publics.
  • Facilitation des projets industriels et d’infrastructures : réduction des délais et des contraintes pour le lancement de projets.


Des critiques et des inquiétudes

Malgré ses intentions louables, la Loi SVE suscite de nombreuses critiques :

Manque de concertation : plusieurs acteurs économiques et sociaux déplorent une absence de dialogue réel lors de l’élaboration du texte.

Complexité persistante : certains professionnels estiment que les mesures proposées ajoutent une couche supplémentaire de complexité au lieu de la réduire.

Risques environnementaux : des ONG alertent sur le fait que certaines dispositions pourraient affaiblir les protections environnementales, notamment en facilitant l’artificialisation des sols.


Quelles conséquences concrètes pour les acheteurs publics ?

Si la Loi SVE entend fluidifier la vie des entreprises, les acheteurs publics ne sont pas épargnés. Bien au contraire, certaines dispositions ont un impact direct sur les pratiques de la commande publique.

1. Une (énième) vague de réécriture documentaire

Les allègements annoncés impliquent de revoir les modèles de RC, clauses administratives, et autres documents-types, afin de rester en phase avec les évolutions réglementaires. À peine a-t-on digéré les CCAG 2021 qu’il faut déjà anticiper une nouvelle « simplification » documentée.

Résultat : moins de paperasse, peut-être, mais plus de vigilance pour sécuriser juridiquement chaque clause dans un paysage mouvant.

2. Le retour du flou artistique

Certaines mesures (comme le principe du « silence vaut acceptation » ou la dématérialisation des autorisations) posent un défi : la sécurité juridique. Comment interpréter un défaut de réponse de l’administration ? À quel moment considère-t-on qu’un accord est valide ? Et qui est responsable en cas de recours ? L’État simplifie, les acheteurs, eux, devront clarifier.

3. Un vrai-faux coup de pouce aux PME

L’ambition d’ouvrir davantage la commande publique aux TPE-PME est louable. Mais sans accompagnement structuré, les nouvelles dispositions risquent d’être contre-productives : des procédures « plus simples » peuvent créer plus de complexité pour les petits opérateurs, notamment dans la compréhension des obligations, des formats de réponse ou des critères de sélection.


Les paradoxes de la simplification

Si la loi SVE est portée par une volonté politique réelle, elle révèle surtout un malaise plus profond dans la fabrique normative française : vouloir simplifier… sans jamais toucher à l’ossature.

  • On empile des simplifications, sans supprimer les contraintes existantes.
  • On promet la rapidité, tout en maintenant des procédures à plusieurs niveaux.
  • On veut attirer plus de candidats, sans s’interroger sur la lisibilité réelle des appels d’offres.

Bref, on simplifie à la française : en complexifiant autrement.


Où en est-on ?

Le projet de loi, après son adoption au Sénat, est en cours d’examen à l’Assemblée nationale. Les discussions se poursuivent, avec de nombreux amendements déposés. La version finale du texte pourrait donc évoluer significativement avant son adoption définitive.

La loi SVE est pleine de bonnes intentions mais pas exempte de risques. Elle impose une vigilance accrue aux acheteurs publics dans l’interprétation juridique, la rédaction contractuelle et les relations fournisseurs. Son application dépendra, comme toujours, de la qualité de mise en œuvre par les acteurs de terrain.

Et comme souvent en commande publique : ce n’est pas le texte qui compte, c’est ce qu’on en fait.


➡️Pour aller plus loin !

Réduire la complexité, oui. Sacrifier le climat, la biodiversité et la santé publique, non ! La Fondation pour la nature et l’homme (FNH) tire la sonnette d’alarme.

Projet de loi de simplification de la vie économique : un texte inquiétant ! (Fondation pour la nature et l’homme)

Si l’objectif affiché de ce texte est de réduire les contraintes administratives pour les entreprises, il ouvre en réalité la porte à des reculs environnementaux majeurs. Parmi les mesures les plus inquiétantes figurent l’affaiblissement des mesures de protection de la biodiversité, la suppression des zones à faibles émissions (ZFE) et la remise en question du rôle de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP).