Un Risque Sous-Estimé dans la Commande Publique
Le délit de marchandage et le prêt illicite de main-d’œuvre représentent des risques significatifs pour les acheteurs publics et leurs prestataires. Ces pratiques, lorsqu’elles se traduisent par des préjudices pour les salariés ou des infractions aux règles du droit du travail, peuvent entraîner des conséquences civiles, pénales et administratives lourdes. Cet article vous propose une analyse détaillée des mécanismes juridiques et des recommandations pratiques pour les éviter.
Qu’est-ce que le Délit de Marchandage ?
Définition légale
Le marchandage consiste en une opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre causant :
- Un préjudice au salarié (perte d’avantages ou de droits).
- L’élusion des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles applicables.
Préjudices pour les salariés concernés
- Privation d’avantages conventionnels ou salariaux (ex. : chèques vacances, restaurant d’entreprise).
- Dégradation des conditions de travail et d’encadrement.
Contexte dans les marchés publics
Les acheteurs publics, disposant souvent de conditions de travail et de conventions favorables, peuvent être confrontés au risque de recours à des prestataires qui ne respectent pas ces normes. Cela nécessite une vigilance accrue dès la phase de rédaction du contrat.
Les Indices du Marchandage Selon la Jurisprudence
La qualification du délit repose sur un faisceau d’indices, dont la combinaison permet de caractériser l’infraction :
L’objet du marché
- La prestation doit être spécifique et définie (ex. : expertise technique ou tâche unique).
- Une simple mise à disposition de personnel pour des tâches généralistes (ex. : « volant de personnel ») peut constituer une infraction.
L’encadrement des salariés détachés
- Le prestataire doit conserver une autonomie totale sur ses salariés (encadrement, discipline, rémunération).
- Toute intégration dans les équipes de l’acheteur public ou subordination directe peut entraîner une requalification en prêt illicite de main-d’œuvre.
La fourniture de matériel
- Dans les secteurs où le matériel est essentiel, celui-ci doit être fourni par le prestataire (ex. : outils, ordinateurs).
- Une absence de matériel spécifique ou une dépendance aux outils de l’acheteur peut être un indice de marchandage.
Le mode de rémunération
- La rémunération doit être forfaitaire et basée sur les résultats, non proportionnelle au temps de travail ou au nombre de salariés mobilisés.
Sanctions du Délit de Marchandage
Sanctions pénales
- Personnes physiques : Jusqu’à 2 ans de prison et/ou 300 000 € d’amende.
- Personnes morales : Amende de 150 000 € et interdiction d’exercer jusqu’à 10 ans.
Sanctions civiles
- Nullité du contrat entre l’acheteur et le prestataire.
- Transfert des obligations sociales et salariales vers l’acheteur.
- Requalification en contrat de travail des salariés concernés.
Sanctions administratives
- Suspension des aides publiques à l’emploi ou à la formation professionnelle pendant 5 ans.
Recommandations pour les Acheteurs Publics
Pour prévenir le risque de marchandage, les acheteurs publics doivent porter une attention particulière aux contrats de prestations de services.
Soigner la rédaction des contrats
- Définir précisément l’objet du marché : Préciser les tâches et résultats attendus.
- Exclure toute ambiguïté sur l’encadrement : Assurer que l’autorité reste pleinement au prestataire.
- Opter pour une rémunération forfaitaire : Éviter une facturation basée uniquement sur les heures ou le nombre de salariés mobilisés.
Instaurer des clauses spécifiques
- Clauses contraignantes pour garantir l’autonomie du prestataire (obligation de résultat, pénalités en cas de manquement).
- Désignation d’un chef d’équipe indépendant pour superviser les collaborateurs détachés.
Former et sensibiliser les équipes d’achats
- Former les agents à reconnaître les indices de marchandage.
- Effectuer des audits réguliers sur les pratiques des prestataires.
Les Secteurs à Risque dans les Marchés Publics
Certaines activités de prestations de services sont particulièrement concernées par ce risque :
- Maintenance multitechnique.
- Gardiennage et sécurité.
- Nettoyage.
- Prestations intellectuelles (ex. : assistance technique, AMOA).
- Informatique et infogérance.
Cas Pratiques et Jurisprudence
Jurisprudence notable
- Cass. Crim., 21 janvier 1986 : Une prestation doit inclure des tâches spécifiques définies et respecter l’autorité exclusive du prestataire sur son personnel.
- TGI Paris, 28 mai 1980 : La rémunération basée sur le nombre d’heures travaillées constitue un prêt illicite de main-d’œuvre.
Exemple d’infraction évitée
Une collectivité a évité une requalification grâce à :
- Une définition précise des tâches dans le contrat.
- La mise en place d’un comité de pilotage pour garantir l’autonomie des salariés du prestataire.
Sécuriser la Commande Publique
Le délit de marchandage est un enjeu majeur pour les acheteurs publics. En adoptant des pratiques rigoureuses et en rédigeant des contrats précis, il est possible de prévenir ces infractions et d’assurer une collaboration saine avec les prestataires. Une commande publique sécurisée est essentielle pour préserver la transparence et la légalité des marchés.
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